Si son nom r�sonne comme un d�salt�rant aqueux sans go�t ni odeur, le personnage qui le porte n’est pas sans saveur. L’abondance de propagande qui entoure sa mince action rend l’�pais bonhomme rapidement indigeste. Pr�sentation.
UN Toulonnais de souche ou une souche toulonnaise ?
Philippe Vitel, c’est d’abord le fils de papa, Jean, un homme de Maurice Arreckx. M�decin g�n�raliste, Vitel p�re d�marre sa carri�re politique en 1953 dans le camp des « escartefiguistes » [1] et se fait �lire d�put� en novembre 1958. L’oncle Maurice commence sa t�che de d�politisation de l’administration municipale et « c’est dans cet esprit (...) que (ses) deux amis H. Fabre et le docteur Vitel, d�put�s du Var et �lus sur (sa) liste, ont d�cid� de ne briguer aucune �charpe d’adjoint et (...) se veulent seulement les ambassadeurs permanents de Toulon aupr�s des minist�res » [2]. En janvier 1961, papa Vitel quitte l’UNR (le parti gaulliste de l’�poque) et fait campagne pour le maintien de la souverainet� fran�aise en Alg�rie. Battu aux l�gislatives de novembre 1962, Jean Vitel devient 2�me adjoint au maire de Toulon apr�s les �lections municipales de 1965.
Vitel fils est chirurgien plastique [3], docteur comme papa quoi, et d�clare appliquer « consciencieusement » l’enseignement politique que son g�niteur lui a confi�, sans pour autant profiter « d’un patrimoine et d’une r�putation familiale plut�t enviables » - cherchez l’erreur.
Philippe Vitel caresse son �lectorat dans le sens du poil : il faut flatter pour rester. C’est ainsi que notre homme parle de Toulon comme d’un « port de guerre depuis la nuit des temps, Toulon qui a donn� � la France de nombreuses pages illustres de son histoire, Toulon et sa marine qui la connecte � son c�leste destin » (www.celeste-destin.com). Qu’importe si Toulon n’est un port de guerre que depuis le r�gne d’Henri IV et s’il s’est vraiment �tendu sous Louis XIV ; qu’importe si Toulon est surtout connu pour son bagne, pour s’�tre livr� aux Anglais en 1793, pour le sabordage de sa flotte en novembre 1942 et derni�rement pour l’�lection d’un maire FN ; qu’importe enfin si Toulon doit � la Marine un funeste destin avec une ville � 50% d�truite par les bombardements lors de la Seconde Guerre Mondiale. L’histoire, hein, c’est pas sa sp�cialit�. Lui, c’est plut�t nez en PVC et seins silicon�s... Ce qui, � proximit� des plages du Mourillon, peut se r�v�ler rentable.
Le credo de l’homme de terrain de la cit� falcoise, c’est de faire vibrer l’�me toulonnaise, le « Toulosiannisme ». Philippe Vitel met en avant l’embl�me de cet esprit proprement toulonnais : le « mocco » [4]. Et tant pis, une fois de plus, si notre cher d�put� ne s’y conna�t pas en cin�ma. Pour lui Gabin, c’est « P�p� le mocco » au lieu de « P�p� le Moko » [5] et c’est un Toulonnais et pas un Parisien de la rue Saint-Martin, malgr� tout ce que peut en dire le sc�nario. Jean Gabin joue les marlous, il multiplie les casses dont le plus retentissant est celui de la banque de Toulon. Son p�re mourut guillotin� et lui meurt les menottes aux poignets. Une certaine image de l’�me toulonnaise... Mais ne soyons pas trop tatillons ! Tonton Maurice ne prenait-il pas le petit jaune avec son ami Fargette dans un des troquets de La Loubi�re ?
Un homme de terrain r�aliste ou la r�alit� d’un homme ?
Derni�re trouvaille de ce cher Vitel, qui d�cid�ment �crit comme s’il avait ajout� quelque substance plus opaque � son eau claire, « � Toulon, on ne se rend pas, un Toulonnais ne c�de jamais, un Toulonnais se bat ». Le docteur Vitel fait sans doute r�f�rence aux g�n�rales qui �clatent dans le pr� lorsque les rugbymen locaux sont men�s au score avant la mi-temps. Mais c’est oublier la chanson de Toulon que pourtant, les supporters du Rugby Club Toulonnais entonnent par beau temps � Mayol :
Philippe Vitel s’investit dans sa ville. Amateur de ballon ovale, il est membre du Comit� directeur du Rugby Club Toulonnais depuis 1986, mais n’a pas pu emp�cher les d�boires financiers qui ont men� � la r�trogradation du club en Pro D2. Il est par ailleurs pr�sident du Racing Club du Las, qui conna�t lui des d�boires plus sportifs. Le d�put� Vitel aime surtout les boules : c’est le pr�sident fondateur du R�active Club Toulon Bowling et il officie comme m�decin national de la f�d�ration fran�aise de Bowling et de Sport de Quilles. Certains avancent qu’il n’h�siterait pas � prendre les Toulonnais pour des billes... Les mauvaises langues !
Au-del� de cet humanisme politique, comme il aime � d�finir son action, Philippe Vitel s’attaque � des sujets plus triviaux tels que le d�veloppement �conomique. Vitel se veut mod�r� : « La particularit� de Toulon, par rapport � d’autres ports comme G�nes ou Barcelone, c’est de poss�der les m�mes atouts, avec en plus ce p�le de Hautes Technologies », � savoir le Centre de Formation aux M�tiers de la Mer. Toulon au niveau de Barcelone : rien que �a ! Barcelone, une agglom�ration de 4 millions d’habitants, deuxi�me ville et premier port d’Espagne, capitale de la Catalogne, des Jeux Olympiques en 1992, un club de foot l�gendaire, un des centres de la culture moderne espagnole. La conne, elle ne poss�de pas de Centre de Formation aux M�tiers de la Mer pouvant accueillir jusqu’� 1000 �l�ves. C’est ballot !
On peut toutefois faire confiance en notre d�put� quant � sa capacit� � pousser le dynamisme toulonnais � son paroxysme. Selon son collaborateur parlementaire, Thierry Campus, Philippe Vitel est « un homme qui d�place les montagnes ». Gageons qu’il poussera un peu le Faron pour permettre � Toulon de s’agrandir si besoin s’en fait sentir.
Un homme de droite ou � la droite du p�re ?
Assur�ment. Philippe Vitel est encart� � l’UMP et si�ge � l’Assembl�e nationale � c�t� du tr�s droitier J.-S. Vialatte. Il aime faire mumuse avec les militaires « en treillis et rangers � l’int�rieur d’un char Leclerc (...), � bord d’un h�licopt�re Puma et en tenue de survie lourde et oppressante sur le Charles de Gaulle ». Le d�put� Vitel aime aussi les policiers et a oeuvr� aupr�s de M. Estrosi � la mise en place de la politique de s�curit� de speedy Sarko.
Comme tout homme de droite qui se respecte, Vitel est convaincu des bienfaits de la m�ritocratie. C’est ainsi qu’il promeut sa fille au titre de collaboratrice et charg�e de l’action militante UMP. Chez les Vitel, la politique, c’est une affaire de famille. Quant aux autres... « Il convient de redonner � notre soci�t� la culture du travail et de ne pas laisser s’installer l’id�e qu’en France, ceux qui travaillent le font �galement pour subvenir aux besoins de ceux qui ont fait un autre choix » [6]. Vitel et ses amis souhaitent donc ardemment faire travailler tous les fain�ants minimum 20 heures par semaine pour toucher le Revenu Minimum d’Activit�. Bien entendu, notre homme parle de l’assistance des personnes et non de l’assistanat des entreprises qui, en employant une personne au RMA, n’auront plus qu’� verser la diff�rence entre le RMI et le SMIC.
Nous avons d�j� dit que Philippe Vitel suivait les pas de son p�re en politique. Un p�re qui �tait pro-Alg�rie fran�aise et ne s’en cachait pas. Alors, fiston a sign� avec d’autres nostalgiques de la p�riode coloniale cette magnifique proposition de loi « visant � la reconnaissance de l’œuvre positive de l’ensemble de nos concitoyens qui ont v�cu en Alg�rie pendant la p�riode de la pr�sence fran�aise » [7]. Selon tous ces braves d�put�s, ce serait « en grande partie » gr�ce au courage et au go�t d’entreprendre des colons europ�ens que l’Alg�rie se serait d�velopp�e. Ah l’histoire et la litt�rature ! On comprend mieux pourquoi le jeune Vitel s’est tourn� vers la m�decine parce qu’il lui aurait suffi de lire l’enqu�te d’A. Camus sur la Mis�re de la Kabylie (1938) pour ne pas se fourvoyer dans de telles paraphes. L’esprit d’entreprise ne s’attarde pas sur ces futilit�s.
Vitel fils a bien d’autres chats � fouetter : les matous anarchistes qui portent atteinte � la s�curit� publique de notre beau pays.
« Dans les campagnes comme dans les villes, les chats se reproduisent de mani�re anarchique. Cette situation alarmante est pr�judiciable non seulement pour ces animaux souffrant de maladies et de malnutrition, mais �galement pour l’homme, victime des nuisances associ�s � toute forme de prolif�ration animale. Pour cette raison la Soci�t� protectrice des animaux s’est engag�e dans un programme de st�rilisation et d’identification des chats errants, en partenariat financier avec les mairies et les v�t�rinaires » [8]. Esp�rons tout de m�me que le brave Philippe ira consoler la m�re Michel...
[1] En souvenir du c�l�bre Marius Escartefigue, maire de Toulon de 1904 � 1908, et de 1929 � 1940, tr�s populaire, voire populiste.
[2] Cit� dans Histoire de Toulon, M. Agulhon (sous dir.), 1988.
[3] On peut d’ailleurs se poser la question de savoir comment il peut exercer son activit� professionnelle : 3 heures de consultation par semaine et des interventions chirurgicales le vendredi et le samedi matin. Avec l’emploi du temps de d�put� et de conseiller g�n�ral qui est le sien, on se demande ce qu’il en est de sa formation continue.
[4] Un des surnoms attribu�s aux habitants de Toulon et de sa r�gion. Du temps o� le proven�al se parlait couramment, les Toulonnais, fatalistes (?), avaient, dit-on, l’habitude de r�p�ter les mots : es como co (c’est comme �a), ou em’ aco ? (et avec �a ?), ou em’ oc� qui (avec celui-ci). Les �trangers � ce dialecte n’entendaient que moco..., moco... Voir ici.
[5] P�p� le Moko, film de Julien Duvivier, 1936, avec J. Gabin, M. Balin, Fr�hel, L. Gridoux.
[6] Dans une proposition de loi.
[7] Pour un exemple de l’œuvre b�n�fique de la France en Alg�rie, lisez une brochure touristique sur S�tif en 1945.
[8] Voir le site de la LDH.