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LETTRE D'INFORMATION |

Nucléaire, Jauréguiberry : les éclaircissements de la préfecture du Var

samedi 12 février 2005

Le directeur de cabinet du préfet du Var, Jehan-Eric Winckler, a bien voulu répondre aux interrogations de Cuverville concernant la sécurité autour du futur palais omnisports Jauréguiberry, construit dans l’un des trois "cercles d’urgence nucléaire" de l’arsenal.
Il sera question de "cinétique lente". On apprendra que si le cercle d’urgence délimite la zone où on envisage "le maximum de morts" en cas d’accident nucléaire, le complexe sportif peut néanmoins servir "d’abri". Il nous sera enfin confirmé qu’une distribution généralisée de cachets d’iode aux Toulonnais n’est pas à l’ordre du jour.

ENTRETIEN téléphonique réalisé le 11 février 2005. Les notes de bas de page sont ajoutées par la rédaction.

Cuverville : Quelles sont les dispositions prises pour assurer la sécurité des usagers du futur palais omnisports ?
Jehan-Eric Winckler : d’abord, il n’y a pas de prescription particulière concernant la salle Jean Jauréguiberry, au regard du code de l’urbanisme et de sa situation par rapport à l’arsenal. Le Plan Particulier d’Intervention, ce qu’on appelle un PPI, ne prévoit pas de servitude particulière vis-à-vis de la salle [1].

Le palais est bâti dans un cercle d’urgence figurant justement au PPI, selon le document communal synthétique sur les risques majeurs élaboré par les services de la préfecture. A quoi sert d’élaborer ces cercles, si on peut y élever des bâtiments de ce type ?
Vous êtes en train de déformer mes propos. Je dis : vous avez une installation Seveso nucléaire. A partir de là vous avez des cercles concentriques qui sont liés à la menace. A l’heure actuelle, la menace correspond à une cinétique lente. Je rappelle qu’un sous-marin nucléaire n’est pas une centrale électrique nucléaire. Il n’y a pas le même volume de matière fissile, et ce n’est pas le même process. Quand je dis qu’il n’y a pas de servitude particulière concernant la salle Jean Jauréguiberry, je veux dire qu’il n’y a pas de restriction particulière. Par contre, sur les règles de l’urbanisme, en fonction de la proximité il y a un certain nombre de choses qui sont prévues, et qui de toutes manières avaient été anticipées dès le départ. Deux choses. La première c’est la fameuse passerelle, qui a été mise en place pour évacuer en 32 minutes les 4900 personnes, si nécessité se faisait sentir d’évacuer. La deuxième possibilité est de garder les gens à l’intérieur. Pour ce faire, il y a un système de filtration qui est mis en place. Ensuite il y a les fameuses pastilles d’iode, qui dans ce cadre-là comme dans les écoles qui sont autour [2], sont prépositionnées dans les établissements. Il y aura sur l’établissement Jean Jauréguiberry un certain nombre de pastilles d’iodes qui correspondra au nombre maximum de clients qui peuvent entrer dans la salle. Et enfin, il y aura un règlement intérieur de la salle qui aura été mis en place, avec des panneaux d’affichage et des haut-parleurs qui préviendront les gens si jamais on avait besoin de faire telle ou telle action.

C’est-à-dire ?
Si jamais il y un accident, il s’agit de dire aux gens voilà, il y a un accident, on vous demande d’évacuer rapidement, on vous demande de sortir, on vous demande d’avaler votre cachet d’iode...

Vous parlez de cinétique lente, mais quand les militaires font une simulation en octobre dernier, la simulation Dramont, il ne s’agit pas du tout d’une cinétique lente, mais d’une cinétique rapide...
Vous avez mal lu le dossier d’exercice, me semble-t-il.

...L’intervention a été très rapide...
Attendez attendez, il y a deux choses. Une cinétique lente est un enchaînement en cascade sur des effets négatifs. Ça n’a strictement rien à voir avec la rapidité des secours mis en place.

Ni avec la rapidité de l’évacuation ? Quand il y a une menace de fusion sur un réacteur nucléaire, ce qui ne semble pas forcément la plus grande probabilité à Toulon par rapport à une centrale nucléaire [3]...
C’est bien pour ça qu’à Toulon c’est ce qu’on appelle la cinétique lente, simplement parce qu’il faudrait une succession de déclenchements pour arriver à déclencher une explosion. C’est ce qu’on appelle une cinétique lente. Plusieurs heures, si jamais rien n’était fait. C’est ça une cinétique lente. Une cinétique rapide ou extrêmement rapide, c’est boum !

Oui, ou...
C’est boum ! C’est à dire qu’il y a une explosion [4] !

Excusez-moi mais il me semble que pour Dramont, s’il y a eu tout un enchaînement de phénomènes, la contamination simulée correspondait à un accident entre un véhicule et...
Non. Faux. Je suis désolé.

C’est ce que nous avons lu dans la presse [5]...
Rapprochez-vous des services et lisez le dossier d’exercice, ce n’est pas du tout ça. Il y a eu un accident sur la base qui était totalement déconnecté de l’affaire. Dans les scénarii on étudie un certain nombre de choses. Le camion qui a cassé, ce n’était pas du tout ça le problème. Le problème était un incendie à l’intérieur du sous-marin. C’est pour ça qu’il faut faire attention dans l’adaptation. C’est bien deux choses totalement différentes.

C’était encore une fois un phénomène lent, donc. Revenons à ces fameux cercles d’urgence. Encore une fois, quel est le but de délimiter ces périmètres ? Pourquoi ne pas se contenter du PPI ? A quoi servent ces cercles exactement ?
Le cercle c’est dans le PPI, hein.

Oui mais pourquoi avoir ces trois cercles dans lesquels vont s’inscrire...
Pourquoi trois cercles ? Pour l’instant il n’y en a qu’un.

Il y a bien trois cercles d’urgence ?
Il y a trois cercles... Tout dépend de la distance. C’est un calcul sur lequel vous avez le maximum de morts, c’est tout. Si jamais... Voilà comment ça se fait. A partir de là, à partir de l’épiphénomène qui est bien ciblé dans le port, il a été décidé que le périmètre le plus dangereux était de 500 mètres, comme sur une centrale nucléaire il est de plusieurs kilomètres. Vous avez des études techniques avec modélisation qui sont faites, et qui vous disent qu’à partir de telle source ou potentialité d’accident, vous avez telle réponse qui est faite. Pour l’instant, il n’est pas question sur Toulon de modifier le PPI.

J’insiste un peu parce que j’ai du mal à comprendre. J’entends bien ce que vous me dites sur les cercles d’urgence, mais est-ce que ce n’est pas en contradiction avec certains termes de la loi Bachelot [6]...
Attendez attendez. Les PPI sont calés sur la loi Bachelot. A partir de là il y a des règles qui ont été durcies, donc il y a un réexamen des PPI. Lorsque les PPI rentrent dans l’épure, il n’y a pas de raison de changer les distances. La loi Bachelot ne demande pas ça. La loi Bachelot demande qu’on étudie au cas par cas la totalité des cinétiques. A partir de là, sur Toulon, les études ont été refaites et il ne peut pas, compte tenu de l’environnement, y avoir de cinétique rapide. Ce n’est pas la préfecture qui l’a décidé, c’est encore moins les militaires, ce sont des organismes dûment agréés qui ont été chargés de valider les dossiers.

Il y a un article de cette loi qui dit que l’usage de terrains du type celui de Jauréguiberry ne doit pas aggraver l’exposition des personnes aux risques [7]. C’est par rapport à cet article-là justement, que nous nous demandions s’il n’y avait pas de contradiction...
Il n’y a pas de contradiction. Je rappelle que le terrain... Les gens sont à l’abri. Ce n’est pas un terrain de foot, hein !

D’accord. Donc à l’intérieur, ils sont à l’abri.
Bien sûr. Ce n’est pas un terrain de foot.

Puisque vous parliez du PPI, est-ce qu’une distribution généralisée de cachets d’iode est prévue pour tout le périmètre ? C’était à l’étude il y a deux ans, le préfet s’était exprimé là-dessus...
Non. Ce n’est pas prévu.

Et une simulation qui impliquerait l’ensemble de la population puisqu’il s’agit de cinétique lente...
Je vous rappelle que dans les exercices de sécurité civile il y a plusieurs degrés d’exercice, et que le prochain pourrait très bien avoir une implication avec la population autour.

Parce que jusqu’à présent, dans tout ce que nous avons pu lister de simulations qui concernaient l’armée, il n’y a jamais eu la population qui était impliquée...
Alors là il faudrait revoir vos sources. Des exercices comme ça il y en a un certain nombre, sur Toulon ou ailleurs [...] Sur la ville de Toulon l’exercice Dramont était le premier du genre. A partir de là on peut très bien en imaginer un deuxième... Mais je ne vois pas l’intérêt, sur une cinétique lente, d’aller foutre la pagaille à Toulon à 5 kilomètres de l’épicentre. Ça n’a vraiment aucun intérêt.

Vous partagez donc l’avis du maire quand il prétend, même s’il ne le dit pas exactement en ces termes, qu’il n’y a pas de hiérarchisation du risque ? C’est à dire qu’il pense que le risque nucléaire, s’il existe, est un risque somme toute relativement... total : l’accident impliquera un territoire très vaste qui ne va évidemment pas se limiter à Jauréguiberry... Ne peut-il y avoir de juste milieu, un incident nucléaire qui n’implique qu’un périmètre très restreint ? Ce n’est pas envisageable, finalement ?
Attendez attendez. Ça c’est vos propos, ce ne sont pas les miens, et je ne pense pas que ce soient non plus ceux de monsieur Falco [8]. Je vous ai dit que la cinétique concernée était une cinétique lente. Maintenant si d’autres études nous prouvent que jusque là les spécialistes se sont plantés, et qu’on passe à une cinétique rapide, il y a plein de choses qu’il faudra revoir. A l’heure actuelle, sur l’arsenal de Toulon et sur la partie des sous-marins, il ne peut y avoir qu’une cinétique lente. Ce ne sera pas un embrasement. Les mesures qui ont été prises l’ont été correctement. Depuis le moment où le permis de construire a été déposé, au mois de mai [2004], l’exercice Dramont est passé par là, il n’y a pas eu besoin de changer quoi que ce soit sur la partie architecturale de la salle.

Questions : G. Suchey.
Merci à monsieur Winckler.

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[1] Servitude : Contrainte imposée à un immeuble, bâti ou non, limitant ses conditions d’utilisation.

[2] Le collège Pierre Puget, construit avant que les navires à propulsion nucléaire s’installent dans la rade, s’inscrit dans le même cercle d’urgence que le futur complexe sportif.

[3] Avant d’être coupés, nous cherchions à expliquer que la cinétique lente correspondait à des phénomènes dont on redoute les conclusions à moyenne échéance. Comme dans le cas d’un défaut de refroidissement sur un réacteur dont on est sûr qu’il aura pour conséquence, quelques heures plus tard, la fusion du coeur...

[4] N’en déplaise à monsieur le sous-préfet, ceci semble plutôt réducteur : la cinétique rapide concerne tous les accidents « susceptibles d’avoir des conséquences radiologiques hors du site nécessitant la prise de mesures de protection de la population en moins de 6 heures », tel qu’indiqué sur le site de l’Autorité de Sécurité Nucléaire.

[5] « Car s’il y avait bien, dans le scénario imaginé par le Délégué à la sécurité nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la Défense (DSND), l’explosion d’une batterie électrique à bord du sous-marin nucléaire d’attaque Perle, c’est un accident tout bête de la circulation - en l’occurrence la collision entre un véhicule des marins pompiers de Toulon et une cuve à effluents - qui est à l’origine de l’accident nucléaire » (Var matin, 25 novembre 2004). N’importe quoi. On s’est encore laissé intoxiquer par la presse locale. Bien fait pour nous.

[6] Loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

[7] Dans la loi Bachelot (disponible sur le site Legifrance) on lira plus particulièrement le chapitre II sur la maîtrise de l’urbanisation autour des bâtiments à risques.

[8] Et pourtant... « Voilà. J’essaie de me rassurer aussi. Avouez, avec un peu de bon sens, ceci : s’il y avait un risque nucléaire, c’est-à-dire s’il y avait un incident sur le Charles de Gaulle ou un sous-marin, est-ce que vous croyez que l’on serait plus menacés à la salle qu’au Faron ? Franchement ! Cela fait huit jours que l’on me tarabuste, que l’on me dit : "mais alors ?!", et je réponds : "malheureusement, si un jour il y a un problème (regardez Tchernobyl, c’est arrivé jusqu’à chez nous), le nuage ne s’arrêtera pas à l’autoroute, il ne se localisera pas sur la salle ; et tous les quartiers, et toute la ville, et je dirais tout le département -et au delà- sera soumis à ce risque » (Hubert Falco, extrait du compte-rendu officiel du conseil municipal du 26 novembre 2004).

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