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LETTRE D'INFORMATION |

Etudiants �trangers en France : la s�lection par le d�go�t

lundi 17 novembre 2008
par Denis Collet

Seconde partie du dossier consacr� � l’accueil des bacheliers �trangers sur le sol des Droits de l’Homme. O� l’on parlera de la grande pr�carit� estudiantine et de l’appr�ciation, par les pr�fectures, "du caract�re r�el et s�rieux des �tudes".

IL y a de nombreux pr�caires chez les �tudiants. Probl�mes de logement dont on mesure rarement l’ampleur, qui conduisent certains � vivre dans leur voiture parce qu’ils ne trouvent pas de lit (cela concerne peu les �trangers qui n’ont en g�n�ral pas de voiture). On s’agglutine � quatre ou cinq dans des chambres de 12m� � l’insu des propri�taires. On se fait h�berger par des cousins � cinquante bornes de la fac. Probl�mes de d�placement, probl�mes de subsistance. On bosse le soir, la nuit ou les week-ends. Boulots jetables propos�s par les fast-foods, les grandes surfaces et les complexes cin�matographiques, march�s, agences d’int�rim assez peu concern�es par les �tudes que suivent les jeunes gens par ailleurs : quand le boulot appelle, faut y aller. Et si on ne dispose d’une carte d’identit� fran�aise, les probl�mes prennent une dimension suppl�mentaire.

Mercredi 5 novembre, le Pr�sident de l’Universit� toulonnaise Laroussi Oueslati lan�ait un cri de d�tresse sur France 3 en d�signant les dossiers empil�s sur son bureau : « la situation [du logement �tudiant] est plus que catastrophique ! » Il y aurait sur l’USTV [1] 4000 demandes de logement pour seulement 800 attributions par le CROUS. Les �trangers, qui ne peuvent remplir les dossiers suffisamment t�t, sont particuli�rement touch�s par la p�nurie. Suivre la proc�dure � distance n’arrange rien.

Oueslati en appelle donc aux collectivit�s locales pour l’aider � trouver une solution.
Les universit�s doivent toutefois assumer leur part de responsabilit�. Surtout celles qui ont choisi d’adh�rer � CampusFrance, c’est-�-dire presque toutes (et c’est le cas de l’USTV). L’adh�sion permet d’afficher « une appartenance de qualit� garantie par le Gouvernement fran�ais » et d’accro�tre consid�rablement sa visibilit� � l’international [2]. Au d�but de l’�t� dernier, 75 universit�s (sur 82) �taient adh�rentes.
� Toulon, Oueslati d�sire ardemment l’ouverture de son institution � l’international. Une envie sinc�re, probablement, et aussi parce que cela lui permet d’augmenter le nombre d’inscrits. Le chiffrage est important dans la transition vers l’autonomie des �tablissements et les "petites" universit�s sont sur la sellette. Un millier d’�trangers pointent officiellement � l’universit� de Toulon, permettant d’atteindre les 10.000 au total. Maintenir et — pourquoi pas — d�passer ce chiffre, c’est envoyer un signal fort aux interlocuteurs institutionnels et autres bailleurs de fonds.

Ton patronyme exotique ne t’aide pas dans ta recherche d’un logement. Et puis, les 400 euros que le Gouvernement fran�ais demande � tes parents de verser chaque mois sur ton compte a minima risquent d’�tre int�gralement engloutis par le loyer ; c’est � peu pr�s le prix d’un studio en ville.
Bref, � peine arriv� sur le territoire, tu sens d�j� qu’�tudier dans de relatives bonnes conditions va �tre relativement compliqu�. Rassure-toi, la pr�fecture veille sur tes r�sultats.

Des �tudiants �trangers ? Oui, mais « de qualit� » [3].
Avec l’adoption par l’Europe du "pacte sur l’immigration et l’asile" (16 octobre 2008), Hortefeux s’enthousiasme � l’id�e de mettre en place « une politique de ma�trise des flux migratoires en organisant l’immigration l�gale ». Mais le ministre de l’immigration s’occupe aussi d’organiser les flux universitaires. Une circulaire cosign�e avec son coll�gue de l’Enseignement sup�rieur le 6 octobre dernier (on la trouve sur le site du GISTI) en t�moigne :

Objet : �tudiants �trangers - Appr�ciation du caract�re r�el et s�rieux des �tudes.
La pr�sente circulaire a pour objet de pr�ciser les modalit�s d’examen du caract�re r�el et s�rieux des �tudes � l’occasion des demandes de renouvellement des cartes de s�jour portant la mention "�tudiant"

La circulaire est adress�e aux pr�fets (de r�gion, de d�partement, de police). Mais pas aux rectorats ni aux universit�s, sans doute peu qualifi�es pour appr�cier l’assiduit� et le s�rieux des �tudiants qu’elles accueillent au quotidien.

[...] il importe de pr�venir les tentatives de d�tournement de proc�dure de la part d’�trangers qui s’inscriraient en �tablissement d’enseignement dans le seul but de prolonger leur s�jour en France. En particulier, la souplesse offerte par le cursus LMD [4], fond� sur la d�finition par l’�tudiant lui-m�me d’un parcours professionnel, doit vous inciter � faire preuve d’une grande vigilance dans l’examen de la coh�rence des changements d’orientation [...] L’arr�t� du 23 avril 2003 laisse � chaque universit� le soin de d�finir les r�gles de progression dans le cadre des parcours qu’elles organisent. Le cursus LMD instaure �galement des possibilit�s de compensation d’unit�s de valeur entre elles. Dans ces conditions, s’il para�t souhaitable de conserver une certaine souplesse dans l’appr�ciation de l’absence momentan�e de progression dans les �tudes, il est n�cessaire d’envisager les redoublements successifs avec une plus grande rigueur. Au terme de sa troisi�me ann�e d’�tudes, vous appr�cierez si la progression de l’�tudiant �tranger est de nature � lui permettre d’obtenir sa licence au terme de cinq ans de pr�sence en France.

Contre la r�gle du LMD qui pr�voit que les universit�s restent ma�tresses de leurs r�glements d’examen, la circulaire donne aux pr�fets un pouvoir d’�valuation in�dit, pouvoir d’�valuation dont les jurys d’enseignants pensaient rester les seuls attributaires. Peu importe l’appr�ciation positive des profs, le repr�sentant de l’�tat d�cidera selon ses propres crit�res (qui doivent rejoindre ceux du ministre), si l’�tudiant m�rite — et donc a le droit — de poursuivre ses �tudes (il est bien entendu que si l’appr�ciation des profs est n�gative, la question ne se pose m�me pas).

[...] La possibilit� d’un changement d’orientation au cours de la premi�re ann�e universitaire, pr�vue par la r�glementation de la licence, ne doit pas �tre remise en cause. En revanche, un second changement d’orientation vers une discipline ne pr�sentant aucun lien avec la fili�re initialement choisie devra �tre appr�hend� avec la plus grande rigueur.

La circulaire est discriminatoire. Elle invite les pr�fets � d�velopper leur suspicion � l’encontre de l’�tudiant �tranger, fraudeur en puissance. Si Bamboula r�ussit par miracle � int�grer un cursus universitaire sur notre territoire, ses droits se limiteront � r�ussir les �tudes qu’il aura privil�gi�es une bonne foi pour toutes sans changement de cap, ou si peu. Les Fran�ais sont log�s � une toute autre enseigne. On leur autorise des rebondissements suppl�mentaires, on sait — pour eux — que les t�tonnements et l’�chec participent � la d�termination professionnelle.

Citons le cas de cet �tudiant maghr�bin mal inspir� par une fili�re lambda o� il s’inscrivit quelque part dans le nord de la France avant de changer d’avis, de d�m�nager dans le sud pour une toute autre voie qui lui correspondait davantage. Deux mois apr�s son int�gration dans cette nouvelle branche, quand se posa le probl�me du renouvellement de sa carte de s�jour, la tr�s z�l�e pr�fecture du Var lui opposa une fin de non recevoir malgr� les courriers favorables mitonn�s par les responsables de la formation. Sans carte de s�jour, l’inscription � l’universit� est l�galement impossible. Un Pr�sident bienveillant peut toutefois court-circuiter son administration et se mettre en d�licatesse avec les services de l’�tat. Certains, consid�rant que leur fonction s’arr�te l� o� commence celle de la police, n’h�sitent pas � braver la loi et � mettre leur responsabilit� en jeu. D’autres ont plus de scrupules.
Sans carte de s�jour, la loi dit qu’il n’y a pas de s�cu ni d’inscription � la fac possibles. Sans inscription, l’�tudiant ne figure pas sur les listes informatiques et ne pourra donc �tre �valu�, encore moins dipl�m�, m�me si l’Unit� de Formation l’accepte en cours contre l’avis de son administration. Le jeune maghr�bin a finalement jet� l’�ponge apr�s avoir commenc� les enseignements de son ultime ann�e universitaire, � huit mois de l’attribution du dipl�me. Retour au bled. Un vrai g�chis ?

Certainement pas, puisque sa modeste contribution permettra peut-�tre � Hortefeux d’atteindre, en 2008, l’objectif souhait� de « 37 � 38% » de « reconduites spontan�es » vers leur pays d’�trangers en situation irr�guli�re.

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Lire la premi�re partie : Accueillir des �tudiants �trangers "de qualit�"

[1] Universit� du Sud Toulon Var.

[2] Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’�tudiant maghr�bin ou chinois devra de toutes fa�ons passer par CampusFrance m�me si l’universit� qu’il envisage n’adh�re pas � l’agence. Adh�rer � l’agence, pour la fac, c’est un "plus".

[3] « L’attribution du visa est facilit�e pour les �tudiants �trangers de qualit�. » Andr� Siganos, directeur g�n�ral de l’agence CampusFrance.

[4] Licence / Master / Doctorat.

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  • De mieux en mieux... 23 décembre 2008, par


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