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Cuverville solidaire : “nen pendran mai”

mardi 17 mars 2009
par Saint-Just

Les rédacteurs de Cuverville, après la tournée du patron, lèvent leur verre, les yeux brillants, le verbe haut, et se déclarent solidaires des mouvements de lutte contre la politique gouvernementale.

DIFFéRENTS sites internet nous rapportent que le 9 mars dernier, notre désagrégé Ministre de l’Éducation, à Bordeaux, qualifia des parents d’élèves de « peuple braillard et gavé de tout ». Le commandant de la Marine de Toulon qualifiait les ouvriers de l’arsenal et ceux de la ville de « populace » lorsqu’un certain 23 mars 1789, la Révolution éclata dans le port.

Ce jour-là, les ouvriers de l’arsenal, soutenus par leurs femmes et les autres catégories populaires de la ville, se mettent en grève pour protester contre le chômage et le retard des salaires. S’ajoutent les effets d’un hiver rigoureux qui a vu les oliviers provençaux geler et les réserves de blés diminuer de façon inversement proportionnelle à l’augmentation du prix des denrées. La foule envahit l’hôtel de ville. L’évêché est mis à sac, le carrosse de l’évêque jeté dans le port. Le lendemain la plupart des ouvriers ne reprend pas le travail. Le 25 mars, ils s’attroupent ; le commandant de la Marine manque d’être massacré mais un imprimeur, conscient du péril qu’encourent la classe bourgeoise autant que l’aristocratie, verse la somme de 60.000 livres nécessaire au règlement de la solde des ouvriers.

Ces difficultés sociales prennent une dimension politique par l’élection des états généraux que le roi a convoqués pour le mois de mai suivant. Or, la masse des ouvriers de l’arsenal et des artisans de la ville sont exclus des assemblées électives. L’émeute constitue alors, pour eux, un moyen de se faire représenter. Les délégués des corporations se réunissent à l’Hôtel de Ville afin de rédiger les cahiers de doléances. Le « bas peuple » de Toulon était regroupé dans la salle basse de l’Hôtel de Ville mais après un incident relatif à l’interprétation du code électoral, les assemblées tournent à l’émeute. Les édiles apaisent les émeutiers en autorisant les ouvriers de l’arsenal à élire leurs propres députés. Le 28 mars, l’assemblée du tiers toulonnais se réunit, augmentée de 22 représentants des marins et ouvriers. Le cahier de doléances exige la suppression de la sous-traitance dans l’arsenal et une amnistie en faveur des déserteurs soldats et matelots. En même temps, les émeutiers obtiennent une forte diminution du prix du pain et autres denrées, et la suspension du piquet [1].

« Passant, lève les yeux et vois mon sommet
Comment la liberté par ce signe s’explique
Ou les tyrans soumis porteront mon bonnet
Ou les tyrans punis tomberont sous ma pique » [2]

C’était il y a 220 ans, les amis.
Aujourd’hui la situation est bien différente. Il n’y a plus d’ouvriers de l’arsenal. L’arrogance du pouvoir, elle, persiste, tant dans la sémantique que dans les gestes. En 2007, notre énergique Premier Ministre déclarait que l’État était en faillite, ou que les caisses étaient vides — c’est selon — rappelant le triste discours de la dette prononcé à Versailles un mois de mai 1789 par le banquier Necker. En 2007 encore, la Ministre de l’Économie préconisait le vélo aux automobilistes. Ils n’ont pas de pain ? Qu’ils mangent des brioches !. Notre speedy Président, toujours prompt à rouler des bourrelets mécaniques, ricane : « désormais, quand il y a une grève en France personne ne s’en aperçoit ». Un peu comme Louis Capet qui nota sur son livre de raison « rien » le 14 juillet 1789. Double jeu de la part de ces deux princes ; même fin ?

Hubert Falco, si discret, si fuyant, se comporte en laquais de ce pouvoir de menteurs. Il a compris au moins une chose, c’est que l’on grimpe dans la même position que l’on rampe. Malgré le vent, il peut ainsi s’agripper à son strapontin gouvernemental. Il ne pourra cependant excuser son incompétence par celle de ses supérieurs. Par son poste de sous-ministre à l’Aménagement du territoire, l’authentique Hubert est directement impliqué dans les fermetures d’organismes publics à Toulon, tels que Météo-France et l’Inspection académique, ou dans l’interruption de lignes maritimes telles celles qui reliaient Brégaillon à Rome. Il devra répondre de l’inexistence d’un tramway dans la 9e agglomération de France, des effets dévastateurs de la loi LRU sur l’université de Toulon, et autres gaietés du même style.

Pendant l’été 1793, il faut battre les fédéralistes marseillais, puis à l’automne ceux de Lyon, reprendre Toulon, maintenir les conquêtes des Alpes, renforcer l’armée des Pyrénées. L’appui du peuple est décisif, et, à l’évidence, est dialectophone. Les fédéralistes marseillais le savent si bien qu’avant l’arrivée des troupes montagnardes de Carteaux, fin août 1793, pour essayer de se faire pardonner, ils font proclamer aux carrefours la Constitution de 1793 en provençal. L’oralité dialectale de la plèbe montagnarde se manifeste même dans Toulon dominé par les fédéralistes ; le 13 août, “divers individus ont parcouru la cité avec un ton moqueur et insultant, en chantant l’odieuse chanson, “nen pendran mai & ca”, ayant le sabre nu à la main et deux tambourins à leur tête” [3].
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[1] Impôt municipal portant sur le blé et autres moutures qui constituait la ressource la plus importante pour la ville de Toulon.

[2] Inscription sur l’arbre de la liberté le 28 mai 1792, cf. Maurice Henry, Affrontements politiques à Toulon de 1789 à 1793, 1969.

[3] René Merle, "L’idiome dans la crise fédéraliste et la victoire montagnarde, 1793-1794".



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