ENTRE la rédaction de la version définitive du établissant une constitution pour l’Europe du 27 septembre 2004 et le référendum français ayant pour objet la ratification du sus-cité traité prévu pendant le premier semestre 2005, s’ouvrait une période que l’on espérait riche en débats à la hauteur des enjeux - le texte conditionne tout de même l’avenir de près de 400 millions de personnes, dont vous peut-être, et moi.
L’impatience d’entendre nos représentants analyser et synthétiser un document confus, pléthorique (349 pages format A4) et difficilement compréhensible, et le désir d’écouter les zélateurs et les contempteurs s’affronter à coup d’arguments pertinents et incisifs rendent la chute plus dure et la déception plus profonde.
Le discours argumentatif et mesuré est en effet remplacé par des interventions péremptoires et sans appel où le OUI est forcément européen, où le OUI est LA solution, où le OUI est l’alpha et l’oméga du progrès social, le Graal de la protection des opprimés et l’assurance que le lait et le miel couleront éternellement en terre d’Europe (amen).
Le NON en revanche est nationaliste, souverainiste, anti-entrée-de-la-turquiste, précurseur du chaos, annonciateur des cavaliers de l’Apocalypse et synonyme de repli sur soi et de régression (l’Enfer quoi...).
Mais comment accorder du crédit à des politiques qui promettent le Paradis et brandissent la menace du chaos, et qui, plus qu’à la raison, à la réflexion et à l’intelligence, font appel à l’affect, aux pulsions et aux peurs ? Quelle idée se font-ils de la maturité des citoyens européens ?
Comment croire des individus qui, il y a 12 ans, exigeaient un vote positif à Maastricht comme point de départ nécessaire à la construction sociale de l’Europe ? Que sont ces promesses d’Europe sociale devenues ?
Comment prendre au sérieux les partisans du OUI quand ils affirment que les imperfections du texte seront traitées ultérieurement ? Pourquoi voter pour un texte imparfait, sachant que toute future modification de la constitution nécessitera une unanimité quasiment impossible à obtenir à 25 membres ou plus ?
Comment ne pas être perplexe devant un texte trop abscons pour rencontrer l’unanimité des peuples des pays de l’Union ?
Comment ne pas douter d’une gauche qui vote à 60% pour un traité constitutionnel qui ne reconnaît pas la notion de service public, mais le remplace par un "Service d’Intérêt Economique Général" [1] ?
Comment ne pas s’interroger sur une constitution qui ne fait pas référence aux textes fondamentaux que sont la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ?
Vendredi 26 novembre 2004 à Toulon, ATTAC-VAR organisait une conférence-débat sur ce thème branché du moment : Europe - Quelle constitution pour une Europe sociale ?
Le conférencier était Raoul-Marc Jennar, docteur en science politique, président de l’Unité de Recherche, de Formation et d’Information sur la Globalisation et auteur de l’ouvrage Europe, la trahison des élites, aux éditions Fayard.
Raoul-Marc Jennar a développé sa conférence autour de 12 questions :
Toutes ces questions, et bien d’autres, ne méritent ni le mépris, ni la condescendance qu’affichent média et politiques. Elles sont légitimes et doivent trouver des réponses simples.
Des éléments de réflexion sont accessibles sur le site de "l’Unité de Recherche, de Formation et d’Information sur la Globalisation" (URFIG).
Montag
« Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. » Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de l’An I de la République française (1793)
[1] « Les termes "service d’intérêt général" et "service d’intérêt économique général" ne doivent pas être confondus avec l’expression "service public" », page 23 de l’annexe 1 du Livre Blanc de 2004 de la Commission.