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Les pollutions nocturnes d’Hubert Soleil Falco (1/2)

lundi 31 décembre 2007
par Saint-Just

Après que l’académie Nobel a décerné le Prix Nobel de la paix au dangereux gauchiste Al Gore pour son combat contre le réchauffement climatique, et alors que notre ministre d’Etat au développement durable Borloo s’en va chercher les glaçons au Groenland et du corail sous les tropiques, la cité toulonnaise poursuit ses illuminations versaillaises.

QUAND la mairie annonce un « plan lumière », il ne s’agit aucunement de les éteindre mais bien de les allumer sous prétexte de mettre en valeur le patrimoine de la ville. Un palmier, un dos d’âne, la mairie, autant de chefs d’oeuvre qui méritent d’être présentés à nos amis les astronautes lorsqu’ils se sirotent une bière sur les transats d’Apollo 13.

La mode extraordinaire d’éclairer les arbres la nuit peut laisser perplexe. Sur tout le territoire de Toulon Provence Méditerranée, les édiles luttent contre le processus naturel de photosynthèse. La question est de savoir pourquoi. Si nos têtes pensantes ont bien appris à l’école que la nuit, la feuille rejette le dioxyde de carbone qu’elle avait ingurgité le jour, peut-être que ces cerveaux pensent limiter la pollution atmosphérique en prolongeant le jour pour nos amies les plantes. La plaisanterie serait tout de même de mauvais goût.

Eclairer en direction du ciel perturbe le processus normal de la chaîne biologique : les animaux, leurs déplacements, leur orientation et leurs fonctions hormonales dépendent de la longueur respective du jour et de la nuit. Les esprits chagrins qui se foutent pas mal des passereaux qui crèvent à cause de la lumière artificielle, apprendront que l’être humain est également un être vivant sensible aux pollutions nocturnes. Des études récentes montrent que l’exposition prolongée et répétée à la lumière artificielle nuit à la santé, parce qu’entre autres, la lumière bloque ou ralentit la synthèse de la mélatonine. Ainsi, les femmes qui travaillent la nuit présenteraient un risque nettement plus élevé d’être atteintes d’un cancer du sein. Certaines études ont également mis en évidence une apparition moins importante de cancers du sein chez les aveugles. D’autres recherches à propos des effets de la lumière artificielle sur la santé humaine sont en cours…

Pour les pingres qui se foutent des hirondelles comme des protubérances mammaires, reste l’argument des économies d’énergie et donc des économies tout court. L’adjoint aux pots aux roses, l’ami di Giorgio, avertit les mauvais usagers de la lumière. « Une lampe a par exemple une durée de vie de 8000 heures ; et quand on sait qu’elle consomme davantage lorsqu’elle est défectueuse, mieux vaut être attentif et changer le matériel avant qu’il n’atteigne sa limite » [1]. Il aurait pu dire qu’il valait mieux être attentif à la laisser le plus longtemps éteinte. Mais tout va bien. EDF a vendu à moitié prix sa publicité à la mairie. Peu importe s’il lui faut résoudre la quadrature du cercle. EDF explique en effet qu’elle entend « contribuer à l’effort engagé pour assurer un développement économique substantiel et plus équitable tout en améliorant la qualité du cadre de vie et en protégeant l’environnement » [2]. Protéger l’environnement chez EDF, c’est notamment soutenir des manifestations sur des thématiques de développement durable. Bref, polluer tout en disant que bouh c’est pas bien.

Alors on nous dira que les ampoules aujourd’hui utilisées, notamment lors des fêtes de Noël, consomment trois fois moins que les anciennes. [3] Jean-Guy di Giorgio s’en gonfle le torse : « Comme elles reviennent moins cher, nous avons pu décupler le nombre d’illuminations, sans dépenser plus » [4]. Si on comprend le verbe décupler dans le sens "multiplier par 10", sachant que les nouvelles diodes consomment trois fois moins, on se demande comment la municipalité peut dépenser moins. Prenons l’exemple de la place de La Porterie à La Loubière. Depuis sa réfection, c’est Versailles !

Mais l’adjoint aux géraniums brandit toujours l’argument imparable : « au-delà du beau, il s’agit également de faire du pratique. Certains endroits de la cité demandent à être sécurisés, et cela passe forcément par la mise en place d’un éclairage spécifique. Le Plan lumière aborde la Ville dans sa globalité et en toute cohérence, tout en tenant compte de l’identité propre de chacun de ses quartiers » [5]. Et l’identité des quartiers, c’est bien connu, dépend du pouvoir d’achat de ses habitants... Ou de leur notoriété. Faubourg gazier au XXe siècle, lieu de rencontre autour d’un jaune entre l’oncle Maurice et le parrain Jean-Louis, c’est en ce début de XXIe siècle le quartier de résidence du sieur Falco. D’où une place illuminée façon galerie des Glaces. Dans le même périmètre, l’école des Trois Quartiers a bénéficié d’une mise en valeur nocturne elle aussi. De magnifiques spots blancs qui tranchent avec les murs début XXe siècle ! La mauvaise conception des lampadaires et leur disposition hasardeuse ne participent pas non plus à la sécurité des personnes : ils dirigent trop souvent de la lumière dans les yeux des passants ou des automobilistes. La peur du noir n’est pas celle que l’on croit.

Extinction de feux

Les pollutions nocturnes de son altesse sérénissime Hubert font partie de ces choses dont il est aisé de se débarrasser. Il ne s’agit pas de terrasser la tarasque cracheuse de feu et la victoire est moins glorieuse. Mais les spécialistes sont formels : la pollution lumineuse se distingue des autres types de pollution en cela qu’elle est instantanément réversible. Aussi simple que la pression d’un interrupteur.

Des villes, bien moins célèbres que Toulon, ont réussi le pari. Flagstaff, en Arizona (Etats-Unis), fut la première ville à promulguer un arrêté sur l’éclairage extérieur en 1958, suivie en 1972 par Tucson, Arizona. Dans cette agglomération de près d’un million d’habitants, il serait actuellement possible de voir la Voie Lactée en plein centre-ville ! Depuis, Phoenix (Arizona) et San Diego (Californie), toutes deux villes d’un million d’habitants, ainsi que certains États américains (Arizona en 1986, Nouveau-Mexique et Texas en 1999), ont suivi le mouvement. En Italie, des villes du Latium ont réduit leur consommation d’énergie d’un facteur deux (et même d’un facteur quatre après 23 h) pour le même éclairement au sol. La facture d’électricité a été diminuée de plus des deux tiers, le coût engendré par les travaux étant récupéré en un an. Au Canada, la ville de Calgary (un million d’habitants) a entrepris de remplacer les 37.500 luminaires de son éclairage public, en utilisant des modèles munis de verre plat et de meilleurs réflecteurs. Ces modèles améliorent le confort des usagers de la route car ils provoquent moins d’éblouissements. Ils consomment aussi moins d’électricité : 1,4 million d’euros vont ainsi pouvoir être économisés chaque année ; les dépenses dues aux travaux vont être récupérées en 6 ou 7 ans. Utiliser moins d’énergie réduit également les émissions de CO2 : la réduction est estimée à plus de 400 kg par lampe et par an [6].

Pendant ce temps, à Toulon, des efforts en trompe l’oeil sont entrepris. Les deniers publics sont bien dépensés. En 2006 ce furent : 50.000 € pour la Place de la Porterie, 250.000 € pour l’Ecole des Trois Quartiers, 400.000 € pour la Rue Victor Clappier, 300.000 € pour la Place Louis Blanc, 1.145.000 € pour la modernisation des équipements plus 300.000 € pour le changements de lampes et 500.000 € d’entretien des réseaux.

Pour quel résultat ? Comparons avec les préconisations de l’Observatoire de Haute Provence contre la pollution lumineuse :

- éviter toute diffusion de lumière vers le ciel. Nous l’avons vu, Toulon éclaire ses palmiers.

- s’abstenir d’éclairer façades, monuments, paysages. Aïe ! Toulon ne cesse de faire l’inverse.

- éclairer murs et panneaux (qui doivent absolument l’être) du haut vers le bas et non pas du bas vers le haut. Re-Aïe !

- utiliser des lampes peu polluantes. On devrait ajouter : utiliser moins de lampes.

- utiliser la bonne quantité de lumière et utiliser des systèmes de contrôle (minuteries, gradateurs, déclencheurs automatiques) qui ne fournissent de la lumière que lorsqu’elle est nécessaire. Les illuminations de Noël, à Toulon, restent allumées jusqu’à l’aurore.

- Eviter les sols réfléchissants, c’est-à-dire le contraire de la Place de la Liberté.

Avenue Vauban à une heure où les enfants sont déjà couchés

« Il s’agit pour nous de regagner du terrain sur l’obscurité », annonce di Giorgio. Une fois encore, Toulon confond obscurité avec obscurantisme.

(À suivre)

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[1] Toulon Magazine, décembre 2004 : les lecteurs attentifs remarqueront que la mairie met en avant l’avenue Churchill... Deux ans après, ce sera toujours la même avenue qui sera mise en avant pour promouvoir le plan lumière.

[2] Toulon Magazine, décembre 2004.

[3] Toulon Magazine, décembre 2006 : les lecteurs attentifs remarqueront que la municipalité parle de son plan lumière tous les mois de décembre... bizarre, bizarre.

[4] Var Matin, 17 décembre 2007.

[5] Toulon Magazine, décembre 2004.

[6] Ces exemples sont donnés par Emmanuël Jehin et Philippe Demoulin, astrophysiciens belges Groupe Astronomie de Spa.



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