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LETTRE D'INFORMATION |

Camille, ta plus mauvaise chanson

jeudi 16 mars 2006

CHèRE Camille,

J’ai appris que tu sortais un album enregistré en public. J’ai enfilé mon blouson parce que le printemps tarde un peu et me suis précipité au centre ville là où on peut acheter des disques.
Il faut que je te parle un peu de moi avant de poursuivre : je suis du genre boulimique. J’entends beaucoup de musique — celle que l’on qualifie d’actuelle —, trop sans doute pour prétendre écouter correctement. Les CD se succèdent rapidement sur ma platine (c’est un dispositif à l’ancienne, même pas un home vidéo) sans que cela ne parvienne à satisfaire ma faim gargantuesque. Ceux qui prétendent que les flibustiers technologiques tuent la création ne s’intéressent certainement pas à elle : deux oreilles ne suffisent pas à en faire le tour. Je découvre chaque jour en me baladant sur Internet et en visitant les sites des artistes la profondeur abyssale de mon ignorance, c’est passionnant. Il y a donc peu de chance qu’un album reste très longtemps dans mon lecteur. Or, depuis un an, ton Fil est toujours là, à côté, prêt à m’enchanter derechef. Ah oui : tu te demandes certainement comment je peux me procurer autant de CD, vu le prix que ça coûte ? Je dispose vois-tu d’un certain pouvoir d’achat, et puis j’ai des amis boulimiques eux aussi. Stoppons là le cahier intime.

Parlons de toi. Tu n’as que deux albums studio à ton actif ; tu multiplies par ailleurs les participations comme choriste. J’ai remarqué que ce sont surtout les mecs qui t’invitent à pousser la chansonnette. Surtout ce vieux priapique de Murat.
Tu n’as sorti que deux albums et nous gratifies déjà d’un live ! Cela semblera très prétentieux à certains, persuadés qu’un enregistrement public doit obligatoirement prendre la forme d’un best-of, un condensé de carrière. Mais Le Fil, ton deuxième album studio, mérite ce prolongement. Tout comme tes impressionnantes prestations scéniques méritent un rappel. Le Fil : voilà une oeuvre qui irradie de talent et d’intelligence, voilà une artiste qui affirme sa forte personnalité et réussit à imposer son étrange projet de "chanson française" aux faiseurs de disques (une note tenue tout au long de l’album, une orchestration charnelle au sens propre du terme avec des body percussions — ce sont les termes que tu emploies — et la human beat-box de Saïan Supa Crew en guise de batterie, etc.).

J’ai donc acheté ton live au Trianon. A la FNAC. Je remarque que cette enseigne, qui avec VIRGIN a tué tous les petits disquaires dont le boulot était autant de vendre que de transmettre le goût et l’envie, se retrouve aujourd’hui en première ligne pour critiquer le P2P, c’est-à-dire un moyen moderne de transmettre le goût et l’envie. Il y a une certaine constance dans la démarche, c’est bien.

J’ai bien sûr vu le bandeau blanc sur le verso de la pochette (dans son boitier cristal, marketing minimal, EMI fait des économies), prévenant en tous petits caractères que ce disque « contient un dispositif technique limitant les possibilités de copie. Sur certains lecteurs en particulier certains autoradios, vous pouvez rencontrer des problèmes de lecture ». Depuis une paire d’années, j’ai remarqué ces avertissements. Ce qui ne signifie pas que je m’y suis habitué.

Le livret de ton disque est composé de onze pages de photos floues plus une douzième consacrée aux "crédits", où figure en plus le texte d’une chanson. Je me rendrai bientôt compte que cette chanson n’est pas inscrite à la playlist de l’album.
Voici ce qu’elle raconte : « Merci d’avoir acheté ce disque. Cet enregistrement ainsi que la pochette qui l’accompagne bénéficient d’une protection au titre de la législation sur le droit de la propriété intellectuelle. Utiliser Internet pour diffuser des enregistrements protégés, distribuer des copies de disques et prêter des disques à des tiers pour qu’ils les copient constituent des actes illégaux qui vont à l’encontre des intérêts et des droits des personnes impliquées dans la création des oeuvres musicales (les artistes notamment). De tels agissements s’apparentent purement et simplement à du vol. La loi prévoit des sanctions civiles et pénales sévères en cas de reproduction, communication et mise à disposition du public d’enregistrements musicaux sans autorisation ».

Oui : j’ai évidemment compris qu’il ne s’agissait pas d’une chanson. Alors quoi ? Tu commences par me remercier pour mieux me traiter de voleur potentiel ? Après les restrictions sur la galette et les menaces sur le livret, quelle est la prochaine étape ?
Je te raconte un cauchemar technologique. J’ai rêvé d’une DRM dont l’objet serait d’estropier tout individu qui s’empare d’un disque sans disposer des références biométriques attestant de sa qualité de propriétaire. La version moderne de la mine anti-personnel. C’est vrai que les majors sont en guerre [contre les pirates].

Je te croyais exempte de vulgarité, te voilà ramenée à la médiocrité ambiante.
Quand j’y pense... Tu me dois un peu de ton succès, avec toute la pub que je t’ai faite. Je voulais retourner te voir et t’écouter à Marseille ou Nice : les concerts sont complets. Comme quoi on m’a entendu ! J’ai aussi prêté le Fil à des amis qui ne te connaissaient pas encore (mon lecteur restait orphelin quelque temps) et je t’avoue ne pas les avoir fliqués pour vérifier s’ils dupliquaient le disque ou pas. Mais je respecte tes recommandations : je ne ferai dorénavant plus tourner tes oeuvres. D’ailleurs, je pense que je ne les achèterai plus non plus. Je subodore que tu n’as pas écrit ce texte à la con, j’espère cependant qu’il ne t’apportera aucun droit d’auteur.

Gilles

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  • Caca nerveux 20 avril 2006
  • Camille, ta plus mauvaise chanson 3 avril 2006, par (1 r?ponse)
  • musique-libre.org 19 mars 2006, par
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