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LETTRE D'INFORMATION |

Restons calmes en attendant le cancer

mercredi 12 janvier 2005
par L�on Gicquel
Un troisi�me et dernier ( ?) chapitre pour �voquer les risques nucl�aires auxquels sont expos�s les Toulonnais, en particulier, et ceux qui croiseraient la route d’un navire � propulsion nucl�aire en g�n�ral. Apr�s une tentative d’inventaire et une d�monstration du peu d’importance que les pouvoirs publics attachent � la s�curit� d�s qu’il est question de d�veloppement urbain, Cuverville expose la marche � suivre en cas d’alerte.

DANS son introduction au Dossier d’Information Communal sur les RIsques Majeurs (DICRIM), Hubert Falco se veut rassurant. « Ne soyons pas pessimistes, les catastrophes sont extr�mement rares, les risques technologiques sont g�r�s par des hommes responsables ».

On ne peut certes pas qualifier de catastrophiques les d�boires successifs du porte-avions nucl�aire Charles-de-Gaulle.
A chaque fois, des hommes responsables �taient pr�sents pour r�gler quelques l�gers dysfonctionnements et pr�venir les m�dias de leur parfaite innocuit�. Pr�sents pour regarder couler la pale d’une h�lice (novembre 2000) ou �ponger le k�ros�ne s’�chappant des cuves � la mani�re d’un vulgaire tanker battant pavillon panam�en (d�cembre 2003) [1], pr�sents encore pour �teindre un petit incendie d�clar� dans les chaufferies nucl�aires (toujours au cours de cette funeste ann�e 2000) [2].

Et l’accident du sous-marin nucl�aire d’attaque Emeraude, en mars 1994, n’a fait que 10 morts [3] : rien � voir avec le Koursk.

Simulation.
Les pouvoirs publics mettent les exploitants d’installations nucl�aires civiles � l’�preuve en �laborant p�riodiquement des accidents fictifs. L’Agence de S�curit� Nucl�aire �tablit ainsi chaque ann�e un programme « d’exercices nationaux annonc�s aux pr�fets par une circulaire conjointement sign�e par la DSIN, la DDSC, la DGS et le SGCISN ». Valse des �tiquettes [4] ! Le minist�re de l’environnement lui-m�me reconna�t qu’�tant donn�e la multiplicit� des intervenants, « il importe que tous les acteurs concern�s par une crise nucl�aire, � quelque niveau qu’ils se situent, entretiennent d’�troites relations ». Plusieurs postes de commandement nationaux et locaux (avec la pr�fecture en cheville ouvri�re), plusieurs �quipes techniques nationales et locales et autant de cellules d’information et de porte-parole : « on con�oit l’importance de la coordination entre les int�ress�s, tant au niveau de la mise en oeuvre des moyens d’action qu’� celui des sources d’alerte et d’information » [5].

Dans la mesure o� elle manipule du carburant et des armes nucl�aires, l’autorit� militaire est elle aussi soumise � l’imp�ratif de simulation. Aux diff�rents organismes gestionnaires de crise �num�r�s ci-dessus, on ajoutera donc le minist�re de la D�fense et ses repr�sentants locaux quand un syst�me nucl�aire militaire est impliqu�. Dans le Var, �paul� par le Pr�fet maritime et le Vice Amiral d’Escadre, le repr�sentant de l’Etat se sent moins seul.

On sait que les soldats aiment donner des noms myst�rieux aux op�rations auxquelles ils participent. En voil� trois exemples.
Montsegurnat 1999, sur le site de l’Ile-Longue (Finist�re), base des sous-marins nucl�aires lanceurs d’engins, envisagea la contamination cons�cutive � un incendie lors du transfert d’un �l�ment de combustible nucl�aire vers la piscine de refroidissement. Bilan : onze bless�s dont trois « gravement irradi�s ».
Montsegurnat 2003, sur la base a�rienne d’Istres, consid�ra une fuite de plutonium sur un missile transport� par un Mirage 2000. Bilan : deux morts et six bless�s.
Dramont 2004, dans l’arsenal de Toulon, proposa de traiter la collision d’un v�hicule avec un container d’�l�ments radioactifs. Bilan : trois morts, cinq bless�s, et une vingtaine de personnes radio-contamin�es.

Ces exercices de crise impliquant l’arm�e pr�sentent une constante : les populations civiles n’ont encore jamais �t� invit�es � participer.
Les morts, bless�s et autres irradi�s portent l’uniforme. Saluons cet acharnement � �viter tout d�g�t collat�ral, m�me virtuel. C’est bien connu, l’enceinte de l’arsenal circonscrit une zone "confidentiel d�fense" d’o� rien, du rouleau de papier toilette au nuage radioactif, ne pourra sortir. C’est dire le maigre int�r�t de ce qui suit. Informer une population ainsi prot�g�e, pour quoi faire ? Vous pouvez arr�ter ici votre lecture.

De bons r�flexes en cas d’alerte.
Les pictogrammes suivants sont tir�s du DICRIM et les compl�ments entre guillemets proviennent du Dossier Communal Synth�tique des risques majeurs. Rien de tout ceci n’est �tranger aux gens vivant � proximit� des centrales nucl�aires.

« Le signal d’alerte comporte trois sonneries montantes et descendantes, de chacune une Minute. »

Toutefois, s’il est inscrit "Palais omnisports Jaur�guiberry" au fronton du b�timent en dur le plus proche, passez votre chemin.

« Ne pas chercher � joindre les membres de la famille (ils sont eux aussi prot�g�s) ». A Toulon, les plus prot�g�s seront sans doute les minots scolaris�s au coll�ge Pierre Puget, qui pr�sente l’insigne avantage de figurer dans le premier cercle d’urgence nucl�aire, � moins de 500 m�tres du quai Missiessy o� campent les sous-marins.

Une fois que tout est calfeutr�, posez-vous la question suivante : est-ce que je n’ai pas oubli� quelque chose ? Oui, vous avez oubli� quelque chose : un comprim� d’iode, � ing�rer le plus rapidement possible apr�s l’alerte. Pour se saturer la thyro�de et �viter ainsi qu’elle n’absorbe l’iode radioactif rejet� dans l’atmosph�re par les �quipements endommag�s. Un grand classique. Les riverains des centrales nucl�aires en disposent dans leur armoire � pharmacie, mais pas les Toulonnais. Les quelques milliers de cachets n�cessaires sont pourtant pr�ts � l’emploi, bien rang�s dans les caves de la pr�fecture ou de l’h�pital militaire Saint-Anne. En d�cembre 2002, le pr�fet Pierre-Etienne Bisch assurait que la « distribution pr�ventive des comprim�s d’iode [�tait] � l’�tude » [6]. Elle doit �tre sacr�ment compliqu�e, l’�tude, parce que deux ans et un pr�fet plus tard, sœur Anne ne voit toujours rien venir.

Voil� une occasion r�v�e pour se brancher sur RCF.

Les pouvoirs publics sont en train de vous sauver la vie, ce n’est pas le moment de choper un cancer du poumon.

"Allo Josiane ? Mauvaise nouvelle : je te quitte".

« Si l’on est absolument oblig� de sortir, �viter de rentrer des poussi�res radioactives dans la pi�ce confin�e ; se prot�ger, passer par une pi�ce tampon, se laver les parties apparentes du corps et changer de v�tements. »
Bon. De toute fa�on, soyez assur�s que tout est mis en oeuvre pour venir en aide aux sinistr�s et trouver les coupables. Gageons que d’ici quelques heures le gouvernement aura organis� une cellule de crise et mis � disposition un num�ro vert. Et dans moins d’une semaine, une commission d’enqu�te aura vu le jour. Qu’est-ce qu’on dit ?

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[1] Vous vous demandez � quoi peut bien servir du k�ros�ne dans un bateau � propulsion nucl�aire ? A faire voler les avions !

[2] D�tail de ce dernier incident sur le site netmarine.net, paragraphe « Les travaux de radioprotection ». Le r�dacteur laisse entendre que c’est � cause d’une mise en conformit� r�pondant � des crit�res trop draconiens que l’absorbant incrimin� est entr� en combustion... Trop de s�curit� tue la s�curit�, sans doute.

[3] Entr�e d’eau sur un collecteur de r�frig�ration � cause d’une soudure d�fectueuse, puis surpression et explosion dans l’un des deux condenseurs du turboalternateur : nuage de vapeur de 300 degr�s, fatal pour les bronches.

[4] Pour un glossaire des sigles, consulter directement le site de la Direction de la Pr�vention des Risques Majeurs (PRIM), ce sera plus simple !

[5] "Proc�dures et r�glementation applicables aux risques technologiques et naturels majeurs", chapitre "gestion de crise nucl�aire", sur le site du PRIM.

[6] Var matin, 12 d�cembre 2002.

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