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Ports militaires, villes � risque nucl�aire

mercredi 6 juillet 2005

L’Italie s’est r�cemment d�couvert onze « ports nucl�aires », ainsi nomm�s parce qu’ils peuvent accueillir bateaux et sous-marins � propulsion atomique (�trangers, car la P�ninsule ne fabrique ni n’utilise directement ce genre de joujoux). Quelques jours apr�s avoir pr�sent� les risques du nucl�aire militaire aux membres de la Commission d’enqu�te (italienne) sur l’uranium appauvri, le professeur Zucchetti, sp�cialiste de la question et consultant b�n�vole du maire d’un des onze ports [1], accordait un entretien au quotidien il Manifesto. Nous reproduisons ici ces �changes. Le danger nucl�aire, le mutisme militaire et l’inqui�tude civile n’ont pas de fronti�re.

ENTRETIEN initialement publi� par il Manifesto le 2 juillet 2005 sous le titre "Porti militari, citt� a rischio nucleare". Par Angelo Mastrandrea. Traduction : Cuverville.

Quelles sont les probabilit�s d’un accident ?
En Italie, les ports militaires pouvant accueillir des bateaux et des sous-marins � propulsion nucl�aire sont tous situ�s dans des lieux o� vit une population civile. Les probl�mes que cela pose sont multiples. Sans vouloir m�me �voquer le referendum qui a exclu le nucl�aire de notre pays [2], on nous explique que ces engins sont tr�s sophistiqu�s alors que les statistiques relatives aux accidents depuis les 45 derni�res ann�es font froid dans le dos, avec dispersion de mat�riel radioactif et irradiation de personnel � la cl�. Et je ne parle pas seulement des sous-marins am�ricains ou russes, mais aussi des anglais et des fran�ais. Si une voiture �tait sujette � autant de dysfonctionnements, je ne l’ach�terais pas. Le dernier cas connu date de janvier dernier : au large de la base de Guam, un sous-marin s’est bris� apr�s avoir heurt� un rocher. En 2000, on a eu le cas du Tireless anglais, qui a d� se r�fugier � Gibraltar en cr�ant un incident diplomatique entre l’Espagne et la Grande Bretagne. Le danger est r�el, beaucoup plus important que pour le nucl�aire terrestre. Je consid�re que mettre un r�acteur nucl�aire � bord d’un sous-marin est une folie absolue.

Pourquoi continuer � le faire, dans ce cas ?
La propulsion nucl�aire pr�sente de nombreux avantages : elle ne br�le pas d’oxyg�ne, et ainsi un sous-marin peut voyager pendant huit ans sans changer de combustible. Mais la « safety », la s�curit�, n’a jamais �t� un objectif militaire. Ce qui compte � leurs yeux est la « security », le fait que tout fonctionne correctement au moment opportun.

Vous �tes consultant � la Spezia. C’est de cette ville que vient le plan militaire publi� en 2000 par il Manifesto, qui a r�v�l� au public l’existence de ces ports nucl�aires.
Le plan de secours de la Spezia donne la chair de poule. Rendez vous compte : c’est l’arm�e elle-m�me qui fait les inspections, � cause du secret militaire. Cela n’est pas admissible pour ceux qui travaillent dans le domaine de la s�curit� nucl�aire. M�me les proc�dures sont improbables. Le plan pr�voit que dans l’heure suivant l’accident nucl�aire, un remorqueur emm�nera le sous-marin au large. Dans l’hypoth�se o� cela se passe ainsi, on consid�re que la contamination ne sera pas �norme. Suffisamment importante toutefois pour qu’on organise l’�vacuation de la ville et l’interdiction de certains aliments. Mais si je confronte ces dispositions avec le cas du Moby Prince, o� le navire a br�l� 24 heures durant avant que les autorit�s ne comprennent quoi faire, ou celui de Tchernobyl, o� les premi�res mesures de s�curit� n’ont �t� mises en place qu’au bout de 36 heures, je me demande comment il pourrait �tre possible de comprendre ce qui doit �tre fait en moins d’une heure.

Le plan militaire pr�voyait de laisser aux militaires l’initiative d’alerter ou non les autorit�s civiles en cas d’accident.
L’autorit� civile doit se doter d’un moyen de contr�le et d’avertissement autonome. En particulier pour mesurer les rejets des mat�riels radioactifs dans l’eau et pouvoir donner l’alarme en activant le processus de secours, parce que nous ne pouvons pas tol�rer le secret militaire. Mais de fa�on plus g�n�rale j’estime inacceptable qu’un bateau � propulsion nucl�aire soit accueilli dans une zone o� la population est pr�sente dans un rayon de quelques kilom�tres. Et aucun des actuels « ports nucl�aires » italiens ne r�pond � ce crit�re de s�curit�.

Outre les accidents, la situation « normale » implique-t-elle un danger ?
Pendant les exercices habituels il n’y a pas de rejet important. Au pire des petites quantit�s qu’il n’est pas possible de mesurer. Le probl�me est bien celui de l’accident, aussi parce que tous ces r�acteurs sont priv�s d’enceinte de confinement au contraire des centrales install�es sur la terre ferme, bien qu’�tant de puissance cons�quente : un tiers de celle de Trino Vercellese [3]. Le changement de combustible est plut�t rare et intervient sur la base m�re am�ricaine. Il existe toutefois un projet de transformation de la Maddalena en base pour la r�paration des sous-marins. Le bateau-soutien qui mouille l�-bas sert justement � cela et � d’autres op�rations susceptibles de produire des d�chets ou des rejets dans l’environnement. En fait, je doute que les am�ricains pr�voient de changer le combustible en Italie, m�me si la pr�sence du bateau-soutien n’est pas franchement rassurante.

A la Maddalena justement, voil� un an et demi, s’est produit un accident que l’arm�e a voulu taire.
L’accident du Hartford n’est pas � classer parmi les plus graves. Le probl�me est que tout cela s’est pass� dans une r�serve naturelle et que l’�v�nement a �t� tu par les militaires, jusqu’� ce qu’il soit rendu public fortuitement. C’est inacceptable, on ne peut pas d�pendre d’une telle gestion. On a trouv� dans les algues de la Maddalena une pr�sence importante de radioactivit� alpha. A pr�sent les concentrations diminuent, mais ceci est le signe que quelque chose est survenu. Les touristes peuvent quand m�me �tre tranquilles : l’eau est propre, le probl�me ne concerne que les algues.

Et donc les poissons qui les mangent.
Certaines crevettes mangent les algues. Le vrai probl�me est qu’on ne devrait pas installer de base militaire dans des lieux touristiques ou de p�che.

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Rappelons la situation fran�aise : Toulon et Brest, ports militaires � forte densit� de population civile, ne sont pas juste susceptibles d’accueillir des sous-marins nucl�aires, puisqu’on a install� dans ces villes les bases permanentes du cheptel hexagonal.
A lire ici un autre entretien �difiant, o� un sous-pr�fet pas rital du tout donne son avis sur la "cin�tique lente", le principe � partir duquel on peut th�oriser le remorquage des sous-marins en mer...

[1] La Spezia, sur la c�te m�diterran�enne apr�s G�nes. Citons aussi Gaeta (entre Rome et Naples), Cagliari (sud de la Sardaigne) et Tarente (sous la semelle de la Botte). Sans oublier la tr�s discr�te base am�ricaine de la Maddalena, petite �le perdue au sud de la Corse.

[2] L’Italie a renonc� en 1987, par r�f�rendum, � l’�nergie nucl�aire.

[3] Un des r�acteurs exp�rimentaux qui fonctionnait avant le r�f�rendum de 1987.

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