Sur la côte toulonnaise le pouvoir rend modeste. Modeste dans l’ambition, les idées, l’action. Mais attention : on peut conjuguer dérisoire et autosatisfaction, médiocrité et arrogance, confondre électoralisme et service rendu au plus grand nombre. C’est une espèce de fatalité toulonnaise à laquelle peu d’élus échappent.
À la base du problème un hiatus : pour être proche du peuple il suffirait de prendre les gens pour des cons. Si popularité rime avec médiocrité, c’est une plaisanterie de mauvais goût.
QUAND Hubert Falco doit s’exprimer sur des thèmes qui l’indisposent, des dossiers en retard, des dossiers oubliés, il a une phrase, toujours la même : « Vous savez, c’est pas facile ».
Comme si le fatalisme était une option politique. Falco a ce côté pleurnichard, la syntaxe lacrymale censée apitoyer le public et faire chavirer les cœurs. Il faut savourer sa pathétique prestation d’il y a quelques semaines quand il annonça à son fan-club qu’il ne conduirait pas la liste UMP aux régionales PACA.
Élu en 2001 à la mairie de Toulon, Falco représentait pour beaucoup l’espoir. Il mettait fin à la parenthèse élective du FN, incarnait une droite ayant rompu avec les antiques pratiques mafieuses de l’UDF local. Neuf ans plus tard, où en sommes-nous ?
Aucun projet structurant d’envergure correctement pensé. On bâcle la réflexion, on contourne le débat public, on évite soigneusement les expertises, les vraies, celles qui fâchent. Alors les conclusions sont retoquées et les projets retardés. Le temps toulonnais est un temps long. l’attente exaspère et malgré une situation géographique exceptionnelle, Toulon attire toujours aussi peu de gens susceptibles de la faire sortir de l’ornière. Développement économique : médiocre. Éventail des propositions culturelles : réduit. Logement social : d’une pauvreté dénoncée par la fondation Abbé Pierre. Vous savez, c’est pas facile.
On a repavé une place ou deux. On a planté des ampoules pour éclairer le ciel, la nuit. On a construit une salle de sport en zone d’urgence nucléaire. On a fait des trucs à droite, à gauche. Renouvelé l’éclairage de Noël, planté du gazon. On a même élaboré un schéma de cohérence territoriale avec les communes voisines, huit ans d’intenses réflexions qui ont abouti à un document non contraignant pour pouvoir continuer à approximer, peindre les trottoirs en vert et communiquer sur le "développement spectaculaire des pistes cyclables", mettre des dos d’âne ici, un giratoire avec olivier là.
Important ça, les dos d’âne et les giratoires pour dompter les bagnoles qui restent l’espèce dominante. Toulon reçoit des trophées négatifs : "ticket rouge" décerné en 2008 par la Fédération Nationale des Associations des Usagers des Transports, et "clou rouillé" remis par la Fédération française des Usagers de la Bicyclette en 2009.
Les travaux relatifs à la traversée souterraine de la ville ont commencé en novembre 1991. Le premier tube (Est -> Ouest) a été achevé plus tard que prévu à cause d’un effondrement. Trois kilomètres, onze ans. À titre de comparaison, six ans ont suffi pour creuser et installer les 50km de tunnel sous la Manche.
Le percement du second tube (Ouest -> Est) a débuté en 2005. Ce chantier a pris lui aussi du retard pour sa propension à fragiliser les immeubles qui se trouvent à la verticale.
Projet de merde qui n’engage certes pas la responsabilité de Hubert Falco, mais la médiocrité de ses prédécesseurs et des experts qui l’ont vendu aux Toulonnais.
Falco a quand même retiré sa pierre d’un édifice déjà passablement bancal : il a toujours conditionné l’installation du Transport en Commun en Site propre à l’achèvement complet du tunnel... Trente ans après les premières études relatives au retour du tramway, les toulonnais ignorent toujours quelle forme prendra leur TCSP. Rails ou pneus ? Le Chevallier [1] avait dit : rails. Falco a lui aussi dit rails, jusqu’au jour où il a dit pneus, jusqu’au jour où il n’a plus rien dit.
Falco ministre a obtenu en 2006 le label Zone franche pour le centre ville, une exception toulonnaise. Bilan : médiocre, puisque la mairie n’avait pas anticipé la spéculation en se dotant trop tardivement de maigres outils de contrôle. Quatre ans plus tard, la plupart des ruelles restent à l’abandon. Vous savez, c’est pas facile.
Comme on ne peut décidément compter que sur soi-même, Toulon s’achète en 2009 deux satisfécits. Un "pavillon orange" pour l’excellent comportement de la municipalité face aux risques majeurs, et une "Marianne d’Or du Développement durable". La Marianne d’Or « est l’outil puissant bien utile aujourd’hui, indispensable demain, pour communiquer de façon positive sur le pouvoir local » annonce benoîtement l’instigateur du prix. Gage de qualité : en 1985, le parrain du Var auto-proclamé Maurice Arreckx avait déjà été décoré.
Les halles attendent leur requalification (combien de projets avortés depuis le FN ?). L’ancienne bourse du travail attend sa requalification (combien d’idées brillantes et néanmoins contradictoires depuis le FN ?). La dalle des ferrailleurs attend sa qualification... Hubert Falco, quant à lui, attend le remaniement ministériel d’après Régionales. Dernier retour au bercail, il y a peu de chance que Sarkozy tende une nouvelle passerelle gouvernementale à celui que Le Point a classé bon dernier du "palmarès 2009 de l’équipe gouvernementale".
Vous savez, c’est pas facile.
Dossier : la médiocrité varoise par l’exemple ; plein d’articles à savourer dans la colonne de droite.
[1] Municipalité Front national, 1995-2001.